- Ce référentiel concerne les cancers anaplasiques (ou indifférenciés) de la thyroïde.
- Forme finale de dédifférenciation des cancers thyroïdiens de souche folliculaire.
- Un des cancers les plus graves chez l'être humain.
- Moins de 2 % de l'ensemble des cancers thyroïdiens.
- Incidence annuelle : 2 par million d'habitants.
- Apparition entre 60 et 80 ans (pic d'incidence à la 7ème décennie).
- Âge élevé.
- Sexe masculin (rapport homme / femme : 1,5).
- Carence iodée.
- Goitre endémique.
- Mutation du gène p53.
- Carcinome papillaire exprimant BRAF pré-existant.
- Les cancers anaplasiques se manifestent par la transformation rapide d'un goitre ancien :
- augmentation de volume
- douleurs
- compression trachéale
- dysphonie
- dysphagie
à laquelle s'associe : - une altération de l'état général
- et plus rarement des signes de dysfonction thyroïdienne (hyper puis hypothyroïdie)
- Un envahissement cutané ou ganglionnaire est présent au moment du diagnostic dans 90 % des cas, ansi que des métastases à distance dans 20 à 50 % des cas (poumons 80 %, os, cerveau.)
sans attendre les résultats
Echographie
cervicale
Biopsie
percutanée
Envoi anapath
et étude IHC *
Bilan d'extension urgent :
- examen laryngé
- TDM corps entier ± IRM
- scintigraphie osseuse
- TEP-18FDG
Eliminer un diagnostic
différentiel : lymphome ?
thyroïdite de Riedel ?
* Immunohistochimique
ou
Cytoponction
échoguidée
et
Biopsie chirurgicale
par cervicotomie
et envoi en sevice
d'anatomopathologie
EN URGENCE
Suspicion
diagnostique
Confirmation diagnostique
urgente si non obtenue
auparavant.
Eliminer diagnostic
différentiel : lymphome ?
thyroïdite de Riedel ?
Bilan pré-thérapeutique
Réponse tumorale
objective ?
Cancer anaplasique
RCP
de recours
Tumeur localisée,
sans métastases
à distance ?
RCP
de recours
A envisager si compression des VADS :
- trachéostomie temporaire ou définitive
- endoprothèse œsophagienne
- nutrition par gastrostomie
* VADS :
Voies Aéro-Digestives Supérieures
Patient en état de
recevoir les traitements
combinés ?
Traitement
palliatif
Traitement
palliatif
RCP
de recours
ou
Radiochimiothérapie
Inclusion dans un
protocole thérapeutique
Surveillance
Résection monobloc
de la tumeur
Surveillance
Radiochimiothérapie
Option :
Envoi en anapath
Classification AJCC 2017
Stade IVA à IVB
Option :
Résection monobloc
de la tumeur
- L'échographie cervicale permet :
- de suspecter une tumeur maligne
- de visualiser une tumeur mal limitée
- de visualiser l'envahissement des tissus extra-thyroïdiens
- de rechercher des adénopathies régionales
- de guider la cytoponction.
- L'échostructure est souvent hétérogène à prédominance hypoéchogène, parfois calcifiée en cas de goitre préexistant.
- La vascularisation est variable selon l'étendue des plages de nécrose tumorale.
- La cytologie :
- aune sensibilité pour le diagnostic qui atteint 90 %, mais dépendant de la qualité de prélèvement.
- ne dispense pas au moindre doute de la biopsie chirurgicale, qui permet d'affirmer le diagnostic.
- élimine le principal diagnostic différentiel, le lymphome, dont la prise en charge est spécifique.
- Le bilan d'extension ne doit pas retarder la prise en charge thérapeutique. Il contient :
- une fibroscopie pharyngolaryngée pour évaluer la mobilité des cordes vocales
- une TDM corps entier ± une IRM
- une scintigraphie osseuse
- un TEP-18FDG.
- Le bilan pré-thérapeutique contient :
- un bilan biologique avec la CRP, TSH, phosphore, calcémie ionisée (fonction parathyroïdienne)
- un bilan de coagulation
- la détermination ABO Rhésus RAI : x 2
- un ECG et une évaluation cardiaque
- un bilan nutritionnel
- une consultation d'anesthésie si la chirurgie est retenue.
- Les patients doivent être admis en urgence dans un service spécialisé en oncologie endocrinienne où les protocoles thérapeutiques adaptés à leur état général peuvent être discutés et réalisés rapidement.
- La prise en charge doit être rapide car le temps de doublement de la tumeur est extrêmement court, et le degré d’extension de la maladie conditionne les possibilités de traitement et la survie.
- Elle est discutée en RCP de recours, prenant en compte la balance bénéfices / risques et l'avis du patient.
- Elle consiste en une thyroïdectomie totale associée à un curage cervical bilatéral.
- Elle est essentielle lorsque l’ablation de la tumeur peut être complète chez un patient capable de recevoir en amont ou en aval le traitement par chimioradiothérapie.
- En cas d'extension aux tissus extra-thyroïdiens, il est nécessaire de réaliser une résection monobloc dès que des marges R1 semblent pouvoir être obtenues.
- Elle est en revanche inutile et délétère en cas de masse cervicale infiltrant l’axe œsotrachéal chez un sujet âgé à l’état général déjà compromis.
- La chirurgie ne dispense pas du traitement complémentaire par radiochimiothérapie, car la thyroïdectomie seule ne modifie pas le pronostic des malades.
- Le traitement complémentaire doit être réalisé dès que le patient a récupéré de sa chirurgie, soit dans l'idéal à 1 semaine pour la chimiothérapie et à 3 semaines pour la radiothérapie.
- Les patients doivent ensuite recevoir une hormonothérapie substitutive par levothyroxine à vie.
- Cf. "Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien isolé" (pour les risques liés à la thyroïdectomie)
- On réalise de préférence une radio-chimiothérapie concomittante.
- Les patients en état de recevoir la combinaison des différents traitements bénéficient d’un meilleur contrôle local de leur maladie et d’une survie prolongée.
- La radiothérapie cervico-médiastinale hyperfractionnée a un but :
- curatif :
- à titre adjuvant ou néoadjuvant en complément du traitement chirurgical
- En l'utilisant en première intention pour permettre une intervention ultérieure sur un volume tumoral au départ inabordable
- palliatif : en urgence devant des signes compressifs majeurs.
- curatif :
- La chimiothérapie :
- Les associations à base de taxanes (paclitaxel ou docetaxel) et/ou anthracyclines (doxorubicine) et/ou platine (cisplatine ou carboplatine) doivent être envisagées chez les patients en bon état général, indemnes de métastases et désireux d'un traitement agressif.
- Chez les patients métastatiques, en bon état généralet avec leur accord, une combinaison de taxanes et/ou anthracyclines peut être proposée.
- La radiothérapie cervico-médiastinale hyperfractionnée a un but :
- Aucune thérapie ciblée n'a encore démontré clairement son bénéfice à long terme sur la survie ou la qualité de vie.
- Les inhibiteurs de tyrosine kinase (lenvatinib et dabrafenib) pourraient avoir un bénéfice sur la survie, associés avec l'inhibiteur du MEK trametinib (pour les tumeurs BRAF V600E mutées).
- La recherche thérapeutique explore les méthodes de redifférenciation tumorale et les thérapies ciblées bloquant spécifiquement le récepteur de l’EGF ou inhibant l’angiogenèse néoplasique.
- La participation a un essai clinique peut être proposée.
- A envisager (avec un soutien psychologique), après discussion en RCP, chez les malades dont l'état général est trop altéré pour recevoir les combinaisons thérapeutiques ou chez les porteurs de tumeurs chimiorésistantes ou radiorésistantes.
- En cas de compression majeure des voies aérodigestives supérieures (VADS), il faut envisager :
- une oxygénothérapie
- une trachéostomie temporaire ou définitive
- une endoprothèse oesophagienne
- une nutrition par gastrostomie
- un traitement symptomatique de l'anxiété par benzodiazépines à demie-vie courte par voie orale (bromazepam) ou IV (midazolam).
- Le prélèvement biopsique doit être envoyé à l'état frais pour permettre l'étude immunohistochimique.
- Macroscopie :
- tumeur très volumineuse, très infiltrante
- envahissement fréquent des tissus adjacents
- ± remaniements nécrotiques
- Microscopie :
- aspect histologique très variable.
- classiquement, trois variantes sont décrites:
- à cellules fusiformes
- à cellules géantes
- malpighien-like
- ces variantes n'ont pas d'influence sur le pronostic
- cellules tumorales très atypiques et très peu différenciées voire indifférenciées
- atypies nucléaires majeures
- Immunohistochimie :
- p53 +
- marqueurs pankératines souvent +
- Thyroglobuline -
- TTF1 -
- PAX8 -
- CD45 - (ce qui différencie une tumeur anaplasique d'un lymphome)
- La présence d’un contingent cellulaire différencié est habituelle dans les cancers anaplasiques, ce qui plaide en faveur de la transformation d’un cancer différencié. À l’inverse, le diagnostic de cancer anaplasique doit être retenu dès qu’un contingent de cellules indifférenciées est présent dans une tumeur papillaire ou vésiculaire.
- Le pourcentage de contingent anaplasique présent au sein d'une tumeur différenciée influence le pronostic : plus il est faible, meilleure sera la survie.
- La classification TNM des cancers anaplasiques est identique à celle des cancers différenciés de la thyroïde.
- Seul le regroupement par stade est spécifique.
- Quelle que soit la taille ou la présentation du cancer anaplasique, il sera d’emblée classé au stade IV ou de grade 4.
Stades | T | N | M |
Stade IVA | T1, T2, T3a | N0 | M0 |
Stade IVB | T1, T2, T3a | N1 | M0 |
Stade IVB | T3b, T4a, T4b | N0, N1 | M0 |
Stade IVC | Tous T | Tous N | M1 |
- Il peut s'agir :
- des autres cancers massivement et rapidement constitués au sein du parenchyme thyroïdien : lymphome malin (ordinairement d’emblée diffus et constitué à partir d’une thyroïdite lymphocytaire initiale)
- d'une métastase intrathyroïdienne (d'un cancer du rein, des poumons, du sein)
- des autres cancers thyroïdiens différenciés
- d'une affection bénigne : thyroïdite chronique de Riedel
- Les facteurs de meilleur pronostic sont :
- l'âge inférieur à 60 ans
- le sexe féminin
- une taille tumorale < 5–6 cm
- une maladie localisée
- une tumeur résécable de stade IVA ou IVB
- un état général conservé
- l'absence de métastases
- l'absence de signes inflammatoires biologiques
- l'absence de tableau compressif aigu
- un niveau socio-économique élevé.
- La survie moyenne est de quatre à neuf mois.
- La surveillance est clinique, rythmée par la symptomatologie ou le cas échéant tous les 3 mois, veillant essentiellement au confort de la survie, en particulier la liberté des voies aériennes.
- Les patients ne présentant plus de foyers tumoraux peuvent bénéficier d'un TDM cérébro-thoraco-abdomino-pelvien à 1-3 mois, puis à 6-12 mois, puis à 4-6 mois, sur un suivi minimum d'une année.
- Un TEP au 18FDG peut être réalisé 3 à 6 mois après le traitement initial chez les patients ne présentant pas de signes cliniques de la maladie afin d'identifier d'éventuels petits foyers tumoraux, et si besoin changer la stratégie thérapeutique.
- Le TEP au 18 FDG peut aussi être demandé tous les 3 à 6 mois chez les patients chez qui la tumeur est toujours présente, afin d'évaluer la réponse tumorale et identifier de nouveaux sites tumoraux.
- Les examens complémentaires sont demandés en fonction des points d’appel (récidive loco-régionale, métastases).
- Basnet A, Pandita A, Fullmer J et al
Squamous Cell Carcinoma of the Thyroid as a Result of Anaplastic Transformation from BRAF-Positive Papillary Thyroid Cancer.
Case Rep Oncol Med. 2017;2017:4276435.
- Lyer P, Dadu R, Ferrarotto R et al.
Real world experience with targeted therapy for the treatment of anaplastic thyroid carcinoma
Thyroid. 2018 28 : 79-87
- Recommandations HAS : guide ALD
Cancer de la thyroïde, mai 2010
https://www.has-sante.fr/
- Smallridge RC, Ain KB, Asa SL et al.
American Thyroid Association guidelines for management of patients with anaplastic thyroidcancer
Thyroid. 2012 ;22:1104-39.
- Wémeau JL, Do Cao C.
Cancers anaplasiques de la thyroïde
Annales d'Endocrinologie 2008, Vol 69, Issue 3, Pages 174-180