Collaborateurs
Coordonnateurs interrégionaux
CLEMENT-DUCHENE Christelle
Institut de Cancérologie de Lorraine (54)
Coordonnateurs régionaux
FALLET Vincent
AP-HP Hôpital Tenon (75)
GOUNANT Valérie
AP-HP Hôpital Bichat (75)
PAMART Guillaume
Nouvel hôpital Civil (67)
Cette référence de bonnes pratiques cliniques, dont l'utilisation s'effectue sur le fondement des principes déontologiques d'exercice personnel de la médecine, a été élaborée par un groupe de travail pluridisciplinaire de professionnels de santé des Dispositifs Spécifiques Régionaux du Cancer de Bourgogne-Franche-Comté (OncoBFC), du Grand Est (NEON) et d'Île-de-France (ONCORIF), en tenant compte des recommandations et règlementations nationales, conformément aux données acquises de la science au 16 mai 2024.
- Cette référence présente les principes de prise en charge des pneumopathies radiques aiguës, survenant moins d'un an après l'irradiation, à l'exclusion des fibroses pulmonaires tardives survenant plus d'un an après la radiothérapie.
- Cette pathologie concerne près de 30 % des patients recevant une radiochimiothérapie pour cancer bronchique avec 2 % de mortalité.
- Les facteurs favorisants sont liés :
- au volume pulmonaire irradié (V20 >30 %, V5 >65 %, dose moyenne pulmonaire >20 Gy)
- à la maladie (maladie réfractaire ou en rechute, territoire supra-claviculaire, lobe inférieur, volume tumoral important, ré-irradiation)
- au patient (âge >50 ans, maladie auto-immune, pneumopathie interstitielle diffuse, fumeur actif ou ancien fumeur, BPCO)
- aux traitements oncologiques concomitants (chimiothérapie dont taxanes, thérapie ciblée, immunothérapie).
- Les Epreuves Fonctionnelles Respiratoires (EFR) avec mesure de la diffusion du CO sont indispensables à la décision thérapeutique et au suivi.
- La stratégie générale est présentée dans l'arbre ci-dessous :
Evaluer le moment d'apparition
Consultation radiothérapeute pour
évaluer les volumes thérapeutiques
et établir une corrélation clinique
Amélioration clinique
Complication pulmonaire secondaire
à la radiothérapie suspectée
Chercher diagnostique différentiel :
NFS ; considérer CT ou radio pulmonaire ;
autres si nécéssaires
Suspicion d'autre cause
(infection, tumeur
cardiopulmonaire)
Traiter la cause
Complication de la
radiothérapie probable
Symptômes d'apparition tardive
cohérents avec une fibrose
radio-induite
Corticoïdes (1 mg/kg par jour)
Prednisone 2-4 semaines puis
diminution progressive 6-12
semaine
Traitement symptomatique par
oxygénothérapie
Adresser à un pneumologue expérimenté
dans les maladies pulmonaires
restrictives
Surveillance pour rechute
post-corticothérapie
(prévention pneumocystose)
Délai d'apparition et symptômes
cohérents avec une pneumopathie
radique
- Toux, dyspnée, fièvre modérée, diminution de la fonction respiratoire :
- signes répondant mal au traitement symptomatique
- tableau infectieux répondant mal au traitement antibiotique
- altération des épreuves fonctionnelles respiratoires.
- Irradiation thoracique pour cancer bronchique, cancer de l'œsophage, cancer du sein, maladie de Hodgkin...
- Délai de 1 à 8 mois, généralement 2 à 3 mois après la fin de la radiothérapie.
- Stigmates cutanés, topographie des champs d'irradiation.
- Evaluation de l'évolution tumorale.
- Radiographie pulmonaire de face et de profil gauche :
- les anomalies radiologiques n'apparaissent en général que 8 semaines après la radiothérapie.
- les anomalies radiologiques n'apparaissent en général que 8 semaines après la radiothérapie.
- Tomodensitométrie :
- indiquée si doute clinique et radiologique incontournable en cas de symptomatologie respiratoire au décours d'une radiothérapie thoracique
- les anomalies tomodensitométriques n'apparaissent en général que 6 semaines après la radiothérapie
- technique : coupes millimétriques sans injection, coupes épaisses (5 à 7 mm) après injection
- place du TEP scanner à discuter (diagnostic différentiel de progression tumorale).
- Condensations parenchymateuses, aspect en verre dépoli.
- Répartition limitée par le volume irradié, organisée, ne respecte pas les limites anatomiques.
- La confrontation anatomo-clinique permet d’éliminer les diagnostics d’infection (pneumocystose), lymphangite ou extension tumorale, pneumopathie d’origine médicamenteuse, hémorragie alvéolaire, surcharge vasculaire.
Pneumopathie Organisée Cryptogénique (POC)
- Symptomatologie de pneumopathie aspécifique, apparaissant dans un délai de 12 mois (ou parfois plus rapidement) suivant la radiothérapie caractérisée par des images d'infiltrations en dehors des champs d'irradiation.
- La bronchoscopie et le lavage bronchiolo-alvéolaire ne sont pas indiqués dans les formes habituelles.
Pneumopathie immune dédiée
- La majorité des publications se réfère à la classification du RTOG qui grade les complications aiguës et tardives ou à la classification SOMA-LENT publiées en 1995-97.
- Actuellement la gradation se fait sur les échelles de toxicité CTCAE V5 recommandées par les sociétés savantes et l’INCa. Les règles de base rappelées ici sont approximativement superposables aux précédentes échelles.
- Grade 1 : Asymptomatique ; anomalies à l'imagerie sans traduction clinique.
- Grade 2 : Symptômes faibles à modérés ; limitant les activités instrumentales de la vie quotidienne, intervention médicale indiquée.
- Grade 3 : Symptômes sévères ; nécessitant de l'oxygène.
- Grade 4 : Mise en jeu du pronostic vital, prise en charge en USI ou réanimation.
- Grade 5 : Décès.
- Les activités instrumentales de la vie quotidienne font référence à la capacité à préparer ses repas, faire les courses (alimentation, vêtements), utiliser un téléphone, gérer son argent…
- Les activités élémentaires de la vie quotidienne font référence à la capacité de faire sa toilette, de s’habiller, se déshabiller, manger seul, aller aux toilettes, prendre ses médicaments et ne pas rester alité.
- Les méta-analyses et les revues de littérature permettent de dégager des contraintes de dose.
- Pour les situations les plus courantes :
- V20 est la proportion de volume pulmonaire recevant plus de 20 Gy
- DMP : dose moyenne pulmonaire, calculée sur l’ensemble des 2 poumons
- Le risque de pneumopathie fatale devient significatif si V20 >35 %.
- Le rapport QUANTEC retient comme particulièrement significatives les paramètres dosimétriques, le pourcentage de poumon recevant une dose supérieure ou égale à 20 Gy (V20) et la dose moyenne pulmonaire (DMP) considérant l’ensemble du volume pulmonaire dont on retranche le GTV.
Paramètres dosimètriques Ensemble des 2 poumons - GTV |
Risque de PR symptomatique |
Commentaire |
V20 ≤ 30 % | <20 | Augmentation du risque de PR OR : 1,03 pour 1 % d’augmentation de V20 p=0,008 |
Dose moyenne pulmonaire = 7 | 5 | En excluant le cas d’irradiation intentionnelle des 2 poumons |
Dose moyenne pulmonaire = 13 | 10 | |
Dose moyenne pulmonaire = 20 | 20 | |
Dose moyenne pulmonaire = 24 | 30 | |
Dose moyenne pulmonaire = 27 | 40 |
Stade
-Radiographie pulmonaire
-Bilans sanguins : NFS
-Envisager : culture des expectorations (virus, bactérie
spécifiques et opportunistes) selon la clinique
-Fonction respiratoire : DLCO ± Spirométrie
Evaluation et surveillance
Thérapeutiques
-Arrêt du traitement oncologique
-Hospitalisation
-CT-Scan, culture des expectorations ± bronchoscopie
-Instaurer une antibiothérapie large spectre
méthylprednisolone 2-4 mg/kg/jour IV
-Evaluer les performances ventilatoires : oxygène ±
corticostéroïdes inhalés et bronchodilatateurs
-CT-Scan, bilans sanguins, culture des expectorations
± bronchoscopie
-Bilans sanguins et radiographie pulmonaire
hebdomadaire
-Suveillance journalière des patients non hospitalisés
-Fonction respiratioire : DLCO / spirométrie
STADE 1
Changement radiographique
Changement radiographique
-Envisager le report du traitement
-Surveillance des symptômes tous les 2-3 jours
-Si aggravation, traiter comme stade 2, 3 ou 4
-Reporter le traitement oncologique
-Débuter antibiothérapie si suspicion d'infection
-Si preuve de non-infection :
prednisone orale 1 mg/kg/jour
-Envisager les corticostéroïdes inhalés
-Envisager une prophylaxie pour la pneumocystose
-Si aggravation ou sans amélioration après 48h,
traiter comme stade 3 ou 4
STADE 2
Symptomatique
(dyspnée, toux, douleur
thoracique)
Après retour à la normale
-Stade 2 : arrêt progressif des stéroïdes sur 6 semaines
minimum
-Stade 3/4 : arrêt progressif des stéroïdes sur 8
semaines minimum
-En cas de réapparition des symptômes, escalade de
dose de corticostéroïdes
-Surveillance trimestrielle pendant un an avec CT-Scan et
évaluation de la fonction respiratoire
STADE 3 et 4
Aggravation de
l'hypoxie, insuffisance
respiratoire, risque vital,
syndrome de détresse
respiratoire aiguë
Introduire un traitement antibiotique préventif de la pneumocystose (BACTRIM®)
- Corticothérapie : 1 mg/kg/jour pendant 2 à 4 semaines, puis diminution progressive sur 3 à 12 semaines, surveillance et précautions habituelles (prévention de la pneumocystose par BACTRIM® et prévention de l'ostéoporose).
- La plupart des patients ont reçu une antibiothérapie avant le diagnostic. Il n'y a pas d'indication d'antibiothérapie en dehors d'une surinfection.
- Les antioxydants, la vitamine E, la pentoxyphiline n’ont pas fait preuve d’efficacité devant une pneumopathie installée.
- Corticothérapie : 0,75 mg/kg/jour pendant 4 semaines, puis diminution progressive sur 6 mois, surveillance et précautions habituelles (prévention de la pneumocystose par BACTRIM® et prévention de l'ostéoporose).
- Un phénomène de rebond peut apparaître à l'arrêt de la corticothérapie.
- Surveillance : clinique et radiographie pulmonaire à 1 mois, scanographie à 2 mois. Les images doivent être normalisées.
- Examen clinique et radiographie pulmonaire à 1 mois avant la diminution de la corticothérapie. Il persiste généralement des séquelles radiologiques.
- Surveillance EFR à réaliser.
- Arroyo-Hernández M, Maldonado F, Lozano-Ruiz F, Muñoz-Montaño W, Nuñez-Baez M, Arrieta O.
Radiation-induced lung injury: current evidence.
BMC Pulmonary Medicine. 2021;21(1):9.
- Gokula K, Earnest A, Wong LC.
Meta-analysis of incidence of early lung toxicity in 3-dimensional conformal irradiation of breast carcinomas.
- Graham MV, Purdy JA, Emami B, Harms W, et al.
Clinical dose-volume histrogram analysis for pneumonitis after 3D treatment for non-small cell cancer (NSCLC).
Int J Radiat Oncol Biol Phys. 1999 ; 45(2) : 323-329.
- Graves PR, Siddiqui F, Anscher MS, Movsas B.
Radiation Pulmonary Toxicity : From Mechanisms to Management
Semin Radiat Oncol. 2010 ; 20(3) : 201-207
- Marks LB, Yorke ED, Jackson A, Ten Haken RK, et al.
Use of normal tissue complication probability models in the clinic (QUANTEC).
Int J Radiat Oncol Biol Phys. 2010 ; 76 (3 Suppl) : S10–S19.
- Marks LB, Bentzen SM, Deasy JO, et al.
Radiation Dose volume effects in the lung.
Int J Radiat Oncol Biol Phys. 2010 ; 76 (3 Suppl) : S70–S76.
- Palma D, Senan S, Tsujino K, et al
Predicting radiation pneumonitis after chemoradiotherapy for lung cancer : an international individual patient data meta-analysis
Int J Radiat Oncol Biol Phys. 2013 ; 85(2) : 444–450.
- Tsujino K, Hirota S, Kotani Y, et al.
Radiation pneumonitis following concurrent accelerated hyperfractionated radiotherapy and chemotherapy for limited-stage small-cell lung cancer: Dose-volume histogram analysis and comparison with conventional chemoradiation.
Int J Radiat Oncol Biol Phys. 2006 ; 64(4) : 1100-1105.
- Uno T, Isobe K, Kawakami H, et al.
Dose-volume factors predicting radiation pneumonitis in patients receiving salvage radiotherapy for postlobectomy locoregional recurrent non-small-cell lung cancer.
Int J Clin Oncol. 2006 ; 11(1) : 55-59.
- Wang SL, Liao Z, Vaporciyan AA, et al.
Investigation of clinical and dosimetric factors associated with postoperative pulmonary complications in esophageal cancer patients treated with concurrent chemoradiotherapy followed by surgery.
Int J Radiat Oncol Biol Phys. 2006 ; 64(3) : 692-699.
- Voir aussi le site du National Comprehensive Cancer Network (NCCN).